L'artiste

Venez me découvrir à travers cet ouvrage “sculpteurs plasticiens du 21ème siècle”, 250 artistes du 21ème siècle présentés dans le catalogue du SNSP (Syndicat Nationale des sculpteurs plasticiens)

Sylvain Lagneau, peintre et sculpteur…

Un créateur hors normes, mais avant tout un éternel chercheur, peintre et sculpteur autodidacte qui a un lien fort avec le Lot, « un endroit dit-il, où il est encore possible de vivre entouré de belles choses, une nature sauvage, simple, qui m’ont à plusieurs époques de ma vie, conduit à une prise de conscience.

Pour moi, ajoute-t-il, il y a une qualité de vie différente plus proche de la nature, plus vraie. On ressent l’énergie de la terre, le caractère sauvage de la nature ».

 

Un peintre et sculpteur qui consacre sa vie à son œuvre qu’il inscrit dans une étrange relation temporelle

Sylvain Lagneau

« La création est pour moi L’opportunité de matérialiser une forme de liberté, un espace positif, un espace de communication avec celui qui regarde, d’une certaine manière faire partager un petit bout de folie ;
La peinture et la sculpture ne font pas agir les mêmes zones de sensibilité, il y a une certaine complémentarité ; le sens du beau gomme les aspérités du thème en sculpture tandis que la peinture est plus rude, moins obsédée par la recherche de l’harmonie, de l’équilibre des formes. La peinture et son dialogue avec les deux dimensions de la toile appellent plus l’expression d’interrogations douloureuses sur soi-même. Lorsque je peins il y a presque un objectif thérapeutique comme si je cherchais à dénouer quelque chose…
Dans la part d’ombre qui m’anime il y a des zones plus délicates avec la peinture sur le plan psy, la sculpture va permettre de faire résonner des espaces plus accomplis, les trois dimensions font vivre les choses différemment plus entrer dans le physique tout en allant plus loin de manière plus sensuelle, émotionnelle, moins intellectuelle ou moins réfléchie.
Créer pour transmettre, peu de choses sont transmissibles, la création a une chance de rencontrer l’autre et de subsister à travers le temps. Cela peut permettre de maintenir le dialogue au-delà de la mort de l’artiste puisque l’œuvre lui survit. Ainsi d’autres personnes vibreront dans le futur et ainsi seront en communion ou même continueront l’œuvre en allant plus loin continuant la création.
Curieusement on a l’impression parfois que le créateur est égoïste enfermé dans son monde dans sa compréhension des choses et pourtant pour moi c’est une démarche altruiste un dialogue engagé une réflexion à plusieurs. Depuis la nuit des temps, des hommes ont eu envie de se sublimer par la création d’aller au-delà d’eux-mêmes de proposer un cheminement à celui qui regarde l’œuvre non pas un cheminement imposé mais plus une direction, la proposition d’une réflexion.
Ma sculpture me permet de partir d’une souche d’un tronc d’une matière en tension pour enlever l’inutile et rechercher l’essentiel et c’est peut-être cela qui me caractérise cette soif de ne conserver que l’essentiel qui me fait prélever sur une souche parfois les ¾ de la matière. A partir de là, la matière qui reste est sous tension et permet de ressentir l’équilibre que je veux y découvrir dans une sorte de vie intérieure, une vie non pas d’image mais d’équilibre de forces.
A chaque nouvelle sculpture, je vais plus loin dans la prise de risque et jusqu’à présent la matière a toujours répondu présent, comme si je suggérais l’impossible et que le bois me disait « chiche, on doit pouvoir le faire ». Certains amis sculpteurs me disent mais tu es fou, tu vas tellement loin que tu vas casser l’équilibre, les tensions sont tellement fortes que l’œuvre va exploser et que tu vas perdre des mois de travail ! Et pourtant il n’en est rien, comme s’il y avait une confiance mutuelle entre la matière et moi et c’est cela qui donne la force à l’œuvre. Cette légèreté extrême cette folle liberté de la matière qui donne l’impression d’être dans un autre monde. Certains font des bas-reliefs, des hauts reliefs, des personnages quasi vivants ! Moi je joue avec le vide et la tension de la matière c’est le vide qui donne cette impression d’équilibre ce jeu entre la matière restante si fragile et l’énorme quantité de matière ôtée. Un peu comme si à chaque fois j’allais plus loin dans mes défis. Ma vie c’est toujours me dépasser sur tout pour tout. Et là, face à la matière, le défi est toujours nouveau tant par les lianes nouvelles, les symboles nouveaux qui s’esquissent que par le pari de parvenir à ôter toute la matière superflue sans jamais enlever la matière essentielle sans laquelle la structure s’effondrera. On me demande souvent comment je vois où est la limite, je ne peux l’expliquer, je le sens, je le vois, il faut dire que je reste des mois voire des années sur une sculpture ! donc il n’y a pas de geste gratuit, pas de geste qui ne soit calculé, pas de coup de ciseau dont je n’ai imaginé dix fois les conséquences. C’est ce temps qui me permet de matérialiser une volonté dans la matière donc il ne peut y avoir le coup de ciseau de trop, le coup de ciseau maladroit ce qui pourrait être le cas si l’œuvre se construisait en quelques jours…
En fait, cette dimension temporelle me rapproche à mon sens des compagnons du moyen âge, qui prenaient le temps de leur création ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les nouvelles technologies la démarche conceptuelle privilégie l’idée sur le geste. Moi, j’apprivoise l’idée par le geste.
Il faut comprendre que la création c’est ma vie, ce qui me conduit parfois à m’isoler mais c’est un peu je crois le prix de la création. Le confort, le repos, la vie de famille sont parfois des regrets je l’avoue mais je suis un peu contraint de les écarter dans la mesure où ils viendraient voler du temps à mon exigence de création. Je ne suis pas un ours par caractère mais par nécessité !
Vendre est un bonheur car cela me permet de partager et aussi, avouons-le, de vivre et pourtant m’en séparer est toujours une sorte de souffrance, atténuée par le fait que ceux qui m’ont acheté une œuvre partagent une petite partie de mon idéal.
J’aimerais parfois donner des œuvres à des personnes qui les aiment mais ne peuvent les acheter, mais il faut comprendre que chaque sculpture représente des mois, voire des années de travail, de combat, de doutes et d’espoirs ».

 

NJ Mazen

Les sculptures de Sylvain Lagneau sont un choc, un uppercut, il bouscule tous les codes, il ignore toute l’histoire de l’art ! Artistiquement comme physiquement c’est une sorte de bucheron sorti du moyen âge qui se jouerait de la matière comme les brodeuses d’antan prêt à passer des mois sur un ouvrage. Le critique d’art est muet devant ces œuvres tellement hors normes ! Aucun code, aucune référence, l’homme choisit une énorme souche de plusieurs mètres cube et on s’attend à une sculpture à la hache, art brut, qui parle à l’imaginaire ! En fait, rien de tout cela vous revenez quelques mois plus tard et la souche a disparu, il a enlevé les trois quarts du bois et vous vous trouvez confronté à une dentelle de bois dont émergent un ou deux personnages à peine esquissés. L’œuvre semble le fruit d’un mariage entre un sculpteur de cathédrale et une dentellière, du Moyen Age également.

Tout est hors norme, Lagneau est un extra-terrestre, il semble réinventer la sculpture sur bois et si vous engagez la conversation vous êtes encore plus perdu car il vous parle du vide, de la tension de la matière, de résonances… Après quelques heures, vous entrez dans son monde, vous comprenez que tout cela a sa logique interne, mais une logique à part, comme un scientifique qui parle de mathématiques quantiques à celui qui en est resté à l’algèbre et à la géométrie.

Si l’on en reste au niveau de l’émotion l’œuvre est belle, elle parle au cœur ! L’importance du vide vous transporte dans un autre monde, un monde d’émotions, un monde d’irréel, un monde à la frontière de la poésie, de la physique, de la musique…

La dimension temporelle vous interpelle, une œuvre qui prend des mois voire deux ans, cela n’a plus rien à voir avec le monde actuel où la plupart des sculpteurs se contentent d’imaginer une idée d’assembler quelques matériaux ou le plus souvent de donner des instructions à un artisan qui va réaliser l’œuvre…

Ce type est fou, hors norme, venu d’une autre galaxie ! Mais n’est-ce pas ce que l’on disait de Vinci quand il a passé des années pendu au plafond de la chapelle Sixtine ! Alors Lagneau est un génie ?

Un illuminé ? un facteur cheval de la sculpture ? sans doute un peu de tout cela mais pour ma part je m’arrêterai à l’émotion ressentie devant ses dentelles de bois qui semblent tenir comme par miracle et vous touchent en plein cœur ! On reste muet devant cette matière en tension dans une sorte de jeu entre le vide et la matière, on a l’impression comme devant un funambule qu’il dialogue avec la matière dans un profond respect du sens de la fibre mais que tout pourrait s’écrouler à chaque instant.

Il y a chez Lagneau la conviction que rien n’est dû au hasard et que l’on doit toujours être à l’affut de la compréhension de la matière et de la manière dont elle s’accorde avec elle-même…Il est passionné par la mythologie tout en refusant à intellectualiser voulant rester dans une sorte de ressenti de compréhension naturelle de ces mythes qui se transmettent depuis trois ou quatre mille ans.

Son travail est dantesque, des mois des années lui sont nécessaires pour aboutir à la perfection de la pierre parfaitement polie ou à l’entrelacement des lianes et des personnages sortis de nulle part et tellement présents comme s’ils s’appropriaient l’espace ! Sylvain Lagneau est hors du temps, par ses créations comme par le type de travail qu’il réalise, l’important pour lui et de se fixer des défis et de toujours les poursuivre. Il part d’une idée, d’un projet qu’il réalise en symbiose avec la matière comme s’il était en communication intime avec son bloc de bois ou de pierre et qu’il acceptait de cheminer avec lui en se moquant du temps nécessaire.

Est-ce un sculpteur ou un sorcier attaché à lire la matière, les principes physiques, les mouvements de la sève ?

La beauté des personnages fascine, l’étrangeté de leurs attitudes interpelle.

Bref Sylvain Lagneau est un OVNI dans la galaxie des créateurs du sud-ouest ! Un homme à rencontrer, des œuvres à regarder !!! Un dialogue à engager tant avec l’artiste qu’avec la manière dont il apprivoise la matière !!!

Présentation (c) 2020